Les expressions de la sensibilité
HLP 3e semestre : La recherche de soi
Littérature
Séance n°1 : Histoire littéraire, les principaux mouvements du Moyen Âge au Romantisme
Support : connaissances des élèves
Objectif : comprendre l'opposition classicisme / romantisme et l'émergence de la sensibilité dans le champ littéraire

Séance n°2 : Lecture d'images, la représentation romantique de la sensibilité
Support : manuel p. 84 : Le Rêveur ou Les Ruines d'Oybin en Allemagne de Caspar David Friedrich
Objectif : repérer les notions clefs du chapitre
Caspar David Friedrich, Le Rêveur ou Les Ruines d'Oybin en Allemagne, 1825-1840, huile sur toile, 27 x 21 cm, Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg, Russie.

On retrouve les thématiques favorites du Romantisme :

- la nature qui semble être à l'unisson du personnage (paysage état d'âme) et qui est toujours grandiose
- la solitude
- la rêverie voire la méditation et l'introspection
- la nostalgie d'un passé révolu à travers l'évocation des ruines
- un attrait pour la mort à travers le choix de la saison automnale.

Réponses aux questions du manuel :

1. Le personnage semble absorbé dans une attitude de contemplation : il est installé dans un environnement isolé, coupé du monde. Il a pris place au milieu des ruines d’un édifice religieux et plus précisément dans l’encadrement d’arcades qui ouvre sur un paysage crépusculaire et naturel. C’est donc la vue et la beauté de ce cadre qui attire le « Rêveur » du tableau et qui l’immobilise dans cette posture : le corps est à l’écoute des signes de la nature et sa sensibilité au monde le porte à la rêverie.

2. L’oeuvre d’art suscite des émotions et sollicite donc la sensibilité du spectateur : on dira que certains observateurs sont plus sensibles que d’autres à la beauté d’un même tableau. L’oeuvre de Caspar David Friedrich peut faire rêver, peut faire voyager le spectateur, peut le rendre nostalgique. Un échange rapide entre élèves leur montrera que les effets sont divers mais qu’ils expriment tous une même sensibilité à la représentation et à sa forme : jeu de lumièresentre l’obscurité du premier plan et le dégradé de couleurs en arrière-plan, verticalité des lignes, mise en valeur de la perspective…
3. Trois sensibilités s’expriment et se répondent dans ce tableau, grâce au procédé de la mise en abyme. La sensibilité romantique de Friedrich ainsi que celle de son personnage se retrouvent dans un même goût du paysage état d’âme et d’une nature expressive. Le spectateur, à travers le cadre pictural, partage, plus ou moins intensément, une sensibilité au monde, qui transcende les époques et les goûts particuliers.

 
Séance n°3 : Histoire littéraire, le roman sensible au XVIIIe siècle
Support : texte théorique + 3 exemples
Objectif : découvrir les caractéristiques et les procédés privilégiés par ce genre

Werther :
- journal ou lettre ("mon cher ami") à la P1 => facilite l'introspection et la relation des sentiments
- hyperboles => exaltation des sentiments
- lexique mélioratif ou péjoratif, voire grandiloquent
- paysage-état d'âme => "miroir de l'âme"
- questions rhétoriques, phrases exclamatives, aposiopèses => permettent d'exprimer toute une palette d'émotions intenses.

Diderot :
- une héroïne typique de roman sentimental : seule contre tous, orpheline, accusée à tort (l'innocence bafouée), violentée dans un décor digne d'un roman d'aventure (cachot moisi)
- expression de sa douleur qui confine à la folie (catharsis ?) et désir de mort
- bourreaux cruels
Séance n°4 : Lecture analytique, Le sentiment chez Rousseau
Support : extrait de Julie
Objectif : comprendre la critique des salons (ironie) et la vision du sentiment chez Rousseau

=> qu'est-ce que le sentiment pour Rousseau
=> critique des salons encore empreints de la philosophie classique

Séance n°5 : Lecture, la madeleine de Proust
Support : manuel p. 86 + texte complémentaire
Objectif : répondre aux questions = comprendre la subjectivité du temps vécu

Les intermittences du vécu

Proust avait d’abord envisagé d’intituler son œuvre Les Intermittences du cœur, révélant l’importance qu’il accordait à la représentation d’un temps discontinu. Dans ce passage, le narrateur est de retour à l’hôtel de Balbec, un an après la mort de sa grand-mère. Le soir de son arrivée, fatigué et malade, il se penche pour enlever ses bottines. Il éprouve alors une émotion intense.

Bouleversement de toute ma personne. Dès la première nuit, comme je souffrais d’une crise de fatigue cardiaque, tâchant de dompter ma souffrance, je me baissai avec lenteur et prudence pour me déchausser. Mais à peine eus-je touché le premier bouton de ma bottine, ma poitrine s’enfla, remplie d’une présence inconnue, divine, des sanglots me secouèrent, des larmes ruisselèrent de mes yeux. L’être qui venait à mon secours, qui me sauvait de la sécheresse de lâme, cétait celui qui, plusieurs années auparavant, dans un moment de détresse et de solitude identiques, dans un moment où je n’avais plus rien de moi, était entré, et qui m’avait rendu à moi-même, car il était moi et plus que moi (le contenant qui est plus que le contenu et me l’apportait). Je venais d’apercevoir, dans ma mémoire, penché sur ma fatigue, le visage tendre, préoccupé et déçu de ma grand’mère, telle qu’elle avait été ce premier soir d’arrivée, le visage de ma grand’mère, non pas de celle que je m’étais étonné et reproché de si peu regretter et qui n’avait d’elle que le nom, mais de ma grand’mère véritable dont, pour la première fois depuis les Champs-Élysées où elle avait eu son attaque, je retrouvais dans un souvenir involontaire et complet la réalité vivante. Cette réalité n’existe pas pour nous tant qu’elle n’a pas été recréée par notre pensée (sans cela les hommes qui ont été mêlés à un combat gigantesque seraient tous de grands poètes épiques) ; et ainsi, dans un désir fou de me précipiter dans ses bras, ce n’était quà l’instant – plus d’une année après son enterrement, à cause de cet anachronisme qui empêche si souvent le calendrier des faits de coïncider avec celui des sentiments – que je venais d’apprendre qu’elle était morte.


Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, À la recherche du temps perdu, 1919.


Marcel Proust a marqué l’histoire littéraire en proposant une œuvre magistrale, composée de sept parties publiées entre 1913 et 1927, et formant À la recherche du temps perdu. Proust cherche par ces récits à atteindre la substance même du temps, afin de se soustraire à sa loi et de saisir, par l’écriture et la littérature, la réalité demeurée enfouie dans notre inconscient et que notre pensée a recréée. Sodome et Gomorrhe correspond à la quatrième partie de la Recherche. L’auteur y relate la naissance de son amour pour Albertine, ainsi que sa vision du « clinquant aristocratique ».

1. Quelle action précise provoque le surgissement du souvenir chez le narrateur ?
. C’est alors qu’il se penche « avec lenteur et prudence » (l. 3) pour se déchausser, et à l’instant même où il touche « le premier bouton de [s]a bottine » (l. 4), que le narrateur est assailli par le souvenir. Ce souvenir surgit donc, comme pour la fameuse « petite madeleine », grâce à un ressenti physique.

2. Quelles émotions submergent le narrateur ?
Le narrateur est alors submergé par une émotion qu’il est difficile de nommer. Il pleure (« des sanglots me secouèrent, des larmes ruisselèrent de mes yeux », l. 5-6), mais il est difficile de rattacher ces larmes à un sentiment de tristesse. Au contraire, il évoque « une présence inconnue, divine » (l. 5), et il semble que l’on soit davantage en présence d’un moment de révélation quasiment mystique que d’un moment douloureux. Pourtant, plus loin, il est question d’un « moment de détresse et de solitude » (l. 8), ce qui tendrait à prouver que le narrateur est partagé entre différentes émotions. L’émotion de départ est liée à cette fragilité, à cette « détresse », et l’émotion qui le submerge relève de la révélation.

3. Pourquoi les deux temporalités, celle du souvenir et celle de l'émotion présente, se superposent-elles à cet instant précis ?
Les deux temporalités se superposent car le narrateur éprouve, très précisément, les mêmes émotions à plusieurs années d’intervalle ; il vit une scène qu’il semble avoir déjà vécue, et qu’il avait partagée avec sa grand-mère. Cette résurgence d’un « souvenir involontaire et complet de la réalité vivante » (l. 17) lui permet de faire revivre en pensée cette fameuse grand-mère, et surtout, d’en faire enfin son deuil, comme le prouvent les dernières lignes du texte.
La Madeleine De Proust