A vous de jouer p. 60 :
« La rhétorique est-elle flatterie ? Comment comprendre le souci du public dans ce texte ? »
La première question fait référence à la définition que Platon donne de la rhétorique dans le texte p. 54 : elle serait flatterie. De la rhétorique entendue comme flatterie, Platon nous dit qu’elle est le propre d’une « âme perspicace, brave et naturellement habile dans les relations humaines » (l. 5-6). On peut en déduire que la flatterie, selon Platon, consiste à percevoir chez l’interlocuteur ce qui lui plaira et à entreprendre de lui parler exactement selon ses attentes. C’est pour cela que, selon Platon, la rhétorique est une contrefaçon de la politique : tandis que la politique consiste à présenter un projet bon pour la cité aux interlocuteurs et citoyens, la rhétorique ne consiste à dire que ce qui fera plaisir aux interlocuteurs et citoyens, indépendamment de l’idée d’un bien objectif. Cependant, nous voyons, avec ce texte de Chaïm Perelman mais aussi avec ceux d’Aristote et de Salisbury de la page précédente, que la rhétorique peut être employée comme outil au service d’un bien objectif. Quand un tel usage est fait de la rhétorique, elle est utile voire nécessaire, parce qu’elle se plie au service d’une cause jugée bonne. Chaïm Perelman ne détaille pas ici la méthode que doit employer la rhétorique, il parle d’emporter l’attention du public sans détailler par quelles stratégies oratoires cela peut être accompli. On ne peut pas exclure que la rhétorique recoure, entre autres, à la flatterie, pour donner envie au public d’écouter – par exemple, en introduisant une communication scientifique adressée à un public non initié par « Vous serez tous capables de comprendre ce que nous allons vous expliquer, pour peu que vous nous accordiez toute votre attention. Vous verrez, le jeu en vaut la chandelle ! » Cela n’implique pas que dans ce cas, la rhétorique ne serait que flatterie et rien d’autre ; en tout cas, quand bien même la flatterie resterait une partie de la rhétorique, elle ne serait que la partie d’un outil, la rhétorique, elle-même au service d’un bien : transmettre des vérités. C’est en fonction de ce bien qu’on doit comprendre le souci du public que le texte de Chaïm Perelman amène.
Important : Pour donner un contenu, une définition à un terme (ici, la rhétorique) à partir de textes d’auteurs différents, il faut veiller à restituer le sens que le terme revêt dans chacun des textes, en fonction des présupposés différents propres à chaque penseur. En l’occurrence, c’est parce que Platon, quand il parle de rhétorique, ne pense qu’à l’art de persuader qui se prend lui- même pour fin, sans envisager que cet art puisse se mettre au service d’une cause juste, qu’il définit la rhétorique comme flatterie exclusivement. Le contexte différent dont part Chaïm Perelman, dans lequel la rhétorique peut aider à transmettre la vérité, l’amène à donner au terme une définition implicite différente.